Mille-feuilles (par JK & tous·tes)
On ne sait pas si c’est fini
Les flammeroles dorées tournent
Sous une musique céleste
Les stylos stylotent dans l’air
Traçant des chemins invisibles
Un tapis de danse = carré blanc = page blanche
On se dit : le spectacle est vraiment fini
Mais les spectateur·ices restent, immobiles
Face à la scène vide de son vivant
Inertie du décor
Saupoudré d’air vibrant
Lamelles vermeilles
Murmures secrets
Pensées rêveuses
L’espace devient contagion
Silence de la danse
Cri de la rue
Être là, tout simplement
Être avec, entièrement
Dans ce souffle suspendu entre chaque geste
Dans cette danse infinie
Où tout se mêlait
Et ne finissait jamais
Mal à l’aise ?
Bon à l’aise ?
Ce qu’il nous reste après tout ça
Des chapeaux, des bonnets, des manteaux
Un porte-manteaux prend vie
Par un solo chapeauté et dévergondé
Pouvoir d’un vêtement
Et ces personnages, infinis, tantôt en mode hivers, tantôt en mode été, véritable défilé : chimpanzé poétique, Jekyll & Hyde, Népalais·e, robot·e, troubadour, cowboy, femme hantée, japonaise en kimono, chat, maharadjah, pirate, gorille, pélican, Michael Jackson, tortue, maître de Kung-fu, mannequin à la Fashion Week, circassien⸱ne, skieur·euse, Maître GIMS, et après ?
Une fille entoure une autre fille de livres
Fusion, effusion, en fusion
S’assemblent et se désassemblent
Aucun regard partagé
Les livres concentrent
Tous les regards
Sur le moi moi moi
Qui est-on quand on lit ?
Suis-je toujours moi ?
Un moi augmenté ?
La danseuse première s’appuie sur la seconde qui s’appui sur la première qui s’appui sur la seconde qui se livre à nous, livrant ses plus beaux gestes, tout en livre, des châteaux, c’est ça, elle fabrique devant nous des châteaux de livres, ou des châteaux de rêves ? châteaux du Roi Arthur ? châteaux de cartes ? châteaux de fringues ? châteaux de chapeliers ? châteaux d’émotions ?
Plus de la moitié des spectateur·ices écrivent
Pendant que les danseuses
Valsent à travers la littérature
Virevoletent dans l’utopie de ces romans-châteaux
Pour célébrer les femmes masculines
Autour de ce porte-manteau
En troisième personnage
Elles rangent et dérangent tout
Ça sert vraiment à quelque chose ?
On dirait ma mère
Devenir livres
Devenir histoires
Créer du commun
En se laissant possédé par les livres
Chercher un terrain de jeu
En se glissant à travers les pages
Vies inventées, vies multipliées
Debout, assis, allongé
Pour lire encore, encore et encore, enseveli par ces tippies/pyramides/amas/échafaudages/tentes canadiennes/building en construction/entassements/maison sur pilotis/escaliers/tombeaux de livres
Et puis zut
Trop de livres tue les livres
Là, tout de suite, maintenant
La danse l’emporte
Dans ce combat de coq
livresque et burlesque
La danse
Livre
Du moment
Présent
Danser les livres
Sans livres
Sur plateau nu
Ultime beauté ?
Voilà tout est dit
J’ai tout dit
J’ai tout dit
J’ai terminé ma phrase
J’ai tout dit
J’ai tout dit
C’est gravé dans le marbre
Chanterai Camille
Pour dire « Page 7 »
Pour le Dico des spectateurices
Joël Kérouanton
À partir des contributions des élèves en classe de seconde au lycée Aristide Briand (Saint-Nazaire) et des spectateur·ices ayant assisté·es aux soirées tous publics lors du temps fort « Les Spectateur·ices émancipé·es ».