Faut que ça sorte

VENEZ RACONTER VOTRE SPECTACLE, CELUI DONT LE SOUVENIR S’EST IMPRIMÉ DURABLEMENT ET VOUS HANTE UN PEU PARFOIS.

En présence d’un écrivain, votre récit perso d’un spectacle devenu très perso va atterrir sur la page. Qu’est-ce que ça fait quand la parole d’un·e spectateur·ice devient texte ? Un atelier mené lors du temps fort “Les Spectateurices émancipé·es 2025”.

« Le périple du scarabée » fut présenté à La Volière (Saint-Nazaire), le 24 octobre 2024, avec l’artiste Julia de Felice. Ce récit aérien de la résilience d’une circassienne en situation de handicap invisible est raconté cinq mois plus tard par vingt élèves CM2 de l’école primaire Madeleine-Rebérioux (Saint-Nazaire, France).

Le cerceau
La corde
Julia

Un spectacle répétitif

Julia attendait quelque chose
Quelqu’un l’appelait tout le temps
Julia attendait quelque chose
Mais c’était toujours la même chose

Y avait des troisièmes
Y avait des quatrièmes
Y avait des lycéen·nes
Y avait des tout·es petit·es
Y avait aussi des familles
C’était public

Ça a commencé par un appel téléphonique
Julia la danseuse essayait d’appeler quelqu’un
Elle se brossait les dents
Ce quelqu’un ne répondait pas
Elle se brossait les dents
Ce quelqu’un ne répondait pas
Ça l’agaçait

Elle se brossait les dents, devant nous !
Avec une vieille brosse à dents
En bois

Elle se brossait les dents. Et soudain elle parlait d’une pub pour un dentifrice.
Elle racontait ça : une pub pour dentifrice.

Julia se brossait les dents. Elle essayait toujours d’appeler quelqu’un. En se brossant les dents. Ce quelqu’un a enfin répondu. Julia disait : « Je suis tombée dans ma salle de bain ». Elle parlait aux spectateurs. Elle racontait sa glissade. Et d’autres anecdotes. Genre à l’hôpital. Après sa chute.

Y avait des spectateurs énervants devant nous
Ils faisaient du bruit
Ils rigolaient
Ça devait être des maternelles

Julia racontait sa glissade en salle de bain tandis qu’elle faisait du cerceau devant nous. Avec son cocon. Comme un fil. Un drap. Avec lequel elle allait dans les airs.

Julia chantait.
Elle parlait avec un son.
Elle chantait sa chute en anglais avec un accent français.

Elle n’arrivait plus à bouger son pied. Elle le disait aux petits et grands qui assistaient au spectacle. « Je n’arrive plus à bouger mon pied. » Elle racontait son handicap invisible. Au pied.

Son handicap est apparu
Au milieu de sa vie
C’était sa vie, avec son handicap
C’était sa vie, c’était son handicap

Elle a continué à faire comme tout le monde
(enfin… non)
Elle n’a pas continué à faire comme tout le monde

Elle a cerceauté

Elle montait là-haut
Elle descendait de là-haut
Elle pouvait presque se casser le cou
On entendait parfois des grands boum
Le boum du cerceau
Le boum de nos cerveaux

Des figures spectaculaires
Des montées sur le cerceau
Des équilibres presque parfaits

Sa maladie
Ça la sert comme force
Pour faire son sport

Handicap ou pas / Faut de la résilience
Un handicap / Deux fois plus faut se battre
Julia a un problème à la cheville / Julia fait du cirque
On rêve des possibles / Rien n’est impossible
Même si on est handicapé / On peut vivre son cerceau normal

Julia, on ne pouvait pas savoir
Julia, elle marchait
Julia, elle cerceautait
Julia, elle téléphonait.
Julia, on ne pouvait pas savoir
Et pourtant, y a eu beaucoup de rigolation

Pour Le Dico des spectateur·ices,

Joël Kérouanton,
avec les contributions de : Anissa, Asmahan, Audrey, Aylin, Boubacar, Chris-nolan, Djamal, Esther, Fadi, Léonie, Liam, Lillia, Medni, Marwan, Muniro, Mylan, Rodrigue, Teresa, Kasandra, Sheryne, Yahya.